Rêviez-vous d'être infirmière petite?
Non je rêvais d'être maîtresse. J'aimais l'école et je jouais à la maîtresse.
Que s'est-il passé pour avoir changé d'orientation?
Une maman infirmière m'a donné la vocation. Elle travaillait comme infirmière auprès d'enfants handicapés moteur et mentaux. J'ai aimé l'échange entre eux et ma mère. Pour elle, c'était une passion. C'est un métier rempli d'émotions: on en donne et on en reçoit énormément.
Et puis après j'ai vécu dans un milieu où il y avait des personnes âgées. J'aimais ce contact et je l'ai recherché par la suite. La personne âgée représente la sagesse, elle représente la richesse culturelle. Elle sont une philosophie de vie sur laquelle il faudrait prendre exemple.
Quel est votre parcours?
Quinze ans dans la filière infirmière en hôpital. J'ai fait un an de remplacement dans les services de réanimation, sept ans en médecine interne ( infectieux, hématologie, oncologie) et gastro-entérologie et pour finir, ensuite sept ans en urgences au SAMU 81.
Pourquoi les urgences?
Lors de ma formation en trois ans, je souhaitais travailler en médecine pour être en lien avec des patients d'un certain âge ( environ soixante ans en moyenne) et pour prendre en charge le patient dans sa globalité. Dans un service de médecine, les pathologies sont diverses et les actes de soins également. Pour débuter cela amène une approche pluridisciplinaire dans une dimension très riche. Cette expérience m'a donné l'envie de m'orienter vers un service d'urgence pour m'adresser à tout public, dans un premier temps, du nouveau né à la personne de plus de cent ans, et pour pouvoir agir dans l'immédiateté avec l'assurance et l'expérience acquise dans la prise en charge des personnes.
Est-ce que ça demande de qualités particulières?
Il faut savoir garder son calme pour que la personne puisse ressentir de la confiance dans nos gestes et être rassurée. Il faut être efficace, rapide et calme.
Pour vous est-ce à dire que les urgences c'est d'abord un métier de communication?
Bien sûr qu'il y a des gestes techniques, mais la communication est extrêmement importante et demeure un critère de motif d'entrée aux urgences. En réalité il y a seulement 20 % de gestes vitaux de réanimation.
Toute la communication autour de la prise en charge de la personne et de la personne elle-même, est importante. Parfois dans une situation d'urgence une mamie ne se laissera pas prendre en charge tant qu'on n'aura pas géré la garde de ses chats sans nourriture, ni sortie, seuls chez elle. Et du coup le moindre petit détail compte dans la communication avec les personnes entrant aux Urgences.
Vous utilisez beaucoup le mot personne.
On ne peut s'arrêter à la pathologie. Il faut prendre en compte la personne, mais aussi son environnement. Parfois il faut gérer le malade et le conjoint. Oui prendre en soin une personne, c'est aussi prendre en soin son entourage, en tenant compte de son contexte culturel, social, familial.
Par exemple aux urgences, il y a beaucoup d'entrées de personnes en détresse sociale, donc on gère la personne dans le service, mais il faut prévoir aussi le contexte dans lequel elle va revenir.
Qu'entendez-vous par détresse sociale?
Ça se traduit par des troubles du comportement, les S.D.F. oui bien sûr, mais aussi toutes les personnes en difficulté sociale: les personnes sans travail avec de problèmes familiaux, d'agression , d'alcool , de drogues, toutes les addictions, chez les adultes et les ados.
Du coup, on travaille avec les assistantes sociales qui sont dans les services, les associations, les hôtels prédéfinis qui accueilleront des femmes battues par exemple. On travaille aussi avec les services sociaux de l'enfance et parfois on est amené à prendre des décisions avec saisie du préfet soit pour faire une HO (hospitalisation d'office) soit pour placer des enfants en protection. Ce sont des décisions lourdes à prendre, même si on a un peu de culpabilité à le faire parfois. Cela fait partie de notre rôle de protection des personnes.
C'est un vrai travail d'équipe?
Oui, il faut savoir qu'on n'est pas seul. On travaille toujours en équipe pluri-professionnelle. On évolue comme une famille avec beaucoup de complicité, mais surtout on parle le même langage et la même émotion.On prend en charge les patients notamment les urgence vitales sans forcément parler : un geste, un regard suffit pour se comprendre.
De plus, on a des réunions de service, des commissions dont je fais partie: la commission hémo-vigilance (CHST), la commission douleur ( CLUD). J'ai un diplôme universitaire de prise en charge de la douleur. Je fais aussi de la formation à ce sujet auprès des professionnels de santé : médecins, internes, infirmiers et aussi auprès des IFSI ( institut de formation de soins infimiers.). Je suis aussi moniteur de premiers secours et fais partie du CESU, le centre d'enseignement du SAMU 81. Ces divers moments nous permettent d'échanger entre professionnels sur les difficultés du métier.
Comment avez-vous acquis cette force morale pour vivre au milieu de situations difficiles?
Je suis entrée dans les urgences au bout de huit ans d'expérience, j'avais acquis une certaine maturité. J'ai appris à faire le lien entre la détresse, la pathologie et les actions à mener.
Et du coup est-ce difficile de renter chez soi et de tout oublier?
Oui, on rentre chez soi avec tout. On essaie de le partager avec le foyer les amis, la barrière n'existe pas vraiment. Au bout de quinze ans d'urgences, j'avais besoin de passer à une autre vision du métier. Je crois que c'est un métier qu'on ne choisit pas par hasard. Avec l'expérience que j'ai acquise et la passion réelle que j'ai pour ce métier, je souhaite pouvoir partager cette expertise et cette passion et c'est pourquoi je veux devenir cadre de santé et formateur.
Quelle serait la leçon que vous voudriez voir retenue chez vos étudiants?
Qu'ils soient à l'écoute. Si il y a l'écoute, le reste suivra. Une bonne écoute, ce sont de bons gestes et donc de bons soins.